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Rubrique | antiquités et collections | ||
À l’automne 2010, à soixante et onze ans, Bernard Gerlaud sortait de la partie. C’était mon père. Il était à bien des égards resté un enfant solitaire ; pas si différent de celui qui découpait sur carton fort et dessinait avec soin ses propres jeux de société, copies et variantes de jeux classiques (à cette époque héroïque, la Chine n’en fabriquait pas encore par pleins cargos, et mon père était de milieu plus modeste). Je me demande bien avec qui il y jouait. Peut-être contre lui-même ? Je n’ai pas fait autrement, au même âge.
Devenu prof et « chef de famille », il consacrait une part non négligeable de ses émoluments à l’achat de jeux, attendant avec enthousiasme chaque Noël, chaque anniversaire – il fallait un prétexte – pour aller acquérir, au petit bonheur, de belles grosses boîtes alléchantes, les premières qui lui faisaient de l’œil.
Les jeux ne tenaient pas toujours leurs promesses, loin s’en faut. La plupart n’étaient joués d’une ou deux fois, puis allaient encombrer le grenier en soupente, accessible seulement par une échelle dépliable dont le fracas de ressorts, effrayant pour des oreilles enfantines, était l’épreuve rituelle pour pouvoir pénétrer dans la grotte des enchantements ludiques. Aujourd’hui, une bonne partie des quelques centaines de jeux que Bernard Gerlaud a laissé derrière lui rejoint la célèbre collection du bon François Haffner, trouvant ainsi une forme de survie dans une collection pérenne et passionnée. J’en suis heureux. Les jeux de Bernard Gerlaud ne constituaient en rien une collection. Il n’y avait ni rangement, ni ordre, ni volonté, ni obsession : c’était surtout un rêve d’enfant prenant une forme bien encombrante. Ma mère essayait bien, de temps à autre, de désengorger ce grenier qui prenait, les années passant, des allures de capharnaüm – quoi que ce soit au juste un capharnaüm. Avec l’âge, mes deux frères aînés ne suivaient plus la passion ludique paternelle qu’avec mauvaise grâce.
C’est moi qui en ai hérité, devenu joueur invétéré et créateur de jeux incompris des éditeurs. Et s’il y a bien une part d’héritage dont je ne me plains pas, c’est celle-ci. Merci, papa. Laurent Gerlaud Post scriptumLaurent et sa maman ont eu la gentillesse de me faire don d'un important lot de jeux dont vous retrouverez les présentations sur le site au fil des semaines. Je les remercie de tout mon cœur. Ces jeux rejoignent la collection mais vous pourrez vous aussi en profiter prochainement. L'ensemble de la collection sera bientôt exposée, accessible à tous les amateurs de jeux de société anciens et modernes. On en reparlera. |
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Laurent Gerlaud 6 février 2013 |